En ce moment, le coloriage est une activité très à la mode, vantée pour ses propriétés relaxantes et apaisantes, en particulier pour les adultes. On ne compte plus les albums de mandalas ou de coloriages anti-stress publiés par différents éditeurs.
En classe, le coloriage est rarement pratiqué comme une fin en soi : généralement, il est utilisé pour l'apprentissage ou l'évaluation (« Colorie les images si tu entends le son [o] »; « Colorie de la même couleur les opérations qui ont le même résultat »). Les célèbres « coloriages magiques », qui font apparaître un dessin grâce au coloriage des surfaces en fonction de critères bien définis, sont le plus souvent utilisés comme activité en autonomie à des moments où l’enseignant est mobilisé par un autre groupe d’élèves.
Cependant, les enseignants se plaignent souvent du manque de soin et de précision apportés à cette tâche, alors même qu’elle n’est guère enseignée en tant que telle.
Comment apprendre à colorier ?
Lorsque l'on donne de grandes surfaces à colorier à l'enfant, il ne peut pas les remplir par la simple mobilité de ses doigts. Il effectue alors un geste de balayage, très ample, qui part de l'épaule. Souvent, on voit très bien les arcs de cercles dans la production de l'enfant, qui a du mal à arrêter son geste lorsqu'il arrive au contour, car il est emporté par le mouvement d' « essuie-glace » qu'il fait avec son bras.
Mieux vaut donner à colorier de petites surfaces en donnant pour consigne de commencer par le contour puis de bouger les doigts pour remplir la surface.
L’important est d’inciter l’enfant à laisser le poignet posé et à colorier avec ses doigts, en mobilisant en particulier son pouce, tout en lui faisant prendre conscience des limites de la surface à colorier.
S’il tient son crayon en prise palmaire, il ne pourra pas non plus voir ce qu’il colorie. Ce petit garçon, par exemple, tient son crayon très vertical, presque dans son poing. Il a beaucoup de mal à effectuer un contrôle visuel de son geste et donc appuie très fort pour garder une certaine précision ! De plus, son pouce ne sert qu'à maintenir le crayon et pas du tout à le diriger.
A l’inverse, cet autre enfant positionne sa main sous le dessin qu’il veut colorier (il devrait d’ailleurs tenir la feuille avec sa main droite) et bouge les doigts pour remplir la surface qu’il a délimitée. Il n’a pas besoin d'exercer une pression aussi importante et peut facilement contrôler ce qu’il fait. Son coloriage sera plus précis et moins fatigant.
Quels outils utiliser ?
J’utilise au cabinet les crayons de couleur Faber Castell grip, qui sont triangulaires et antidérapants. Leur mine est suffisamment grasse pour permettre de bien poser la couleur. Ils sont assez résistants et survivent un certain temps aux chutes… Ils existent aussi en version Jumbo, plus épais, plus facile à utiliser par les enfants les plus jeunes (à condition de vérifier que l’épaisseur du crayon n’incite pas à la prise palmaire).
Si on utilise des feutres, il vaut mieux qu’ils ne soient pas trop fins pour être efficaces. Les feutres-pinceaux sont agréables à la prise en main et permettent de remplir des surfaces un peu plus grandes sans laisser de traces. Il faut apprendre aux enfants à caresser le papier avec, de la même manière qu’avec un véritable pinceau. La prise ne doit pas non plus être trop verticale et le pouce doit être mobilisé.
Ici, l'enfant a un index hyperlaxe, qui est replié, mais c'est bien le pouce qui dirige le mouvement. L'enfant a bien délimité le contour extérieur mais n'a pas détouré l'aile du moulin.
Pour du coloriage un peu plus précis, on pourra choisir des feutres plus fins, mais il faut absolument éviter les pointes sèches, qui ne sont pas couvrantes.
Reynolds propose une gamme agréable, Créalo, avec de jolies nuances de couleurs.
reynolds feutres créalo
Les feutres Stabilo Power Max, spécialement destinés aux jeunes enfants, ont un grand pouvoir couvrant, une pointe bloquée et ne sèchent presque pas.
Le coloriage : tout un art ?
Il me semble aussi intéressant de travailler le coloriage dans le cadre des arts plastiques et de ne pas l’utiliser uniquement comme moyen de montrer qu’on a compris sa leçon. De même, il me paraît dommage d'abandonner totalement l'activité de coloriage au-delà du cycle 2 : en effet, les élèves de cycle 3 peuvent atteindre une bonne maîtrise du coloriage et travailler sur des effets intéressants.
Pour ces élèves de cycle 3, il peut valoir la peine d’investir dans une boîte de bons crayons aquarellables. Caran d’Ache en propose d’excellents.
Ils permettent de réaliser un lavis en détrempant légèrement au pinceau un crayonné exécuté au crayon de couleur, technique dont le rendu évoque celui de l'aquarelle. Ils permettent également de jouer sur le flou en coloriant sur un papier déjà humide.
Ainsi, les élèves prennent conscience du fait que les crayons de couleur ne sont pas de simples outils scolaires mais permettent d'exercer sa créativité.
Sur son blog, Phi propose deux séances d'arts plastiques pour cycle 2 entièrement consacrées à l'utilisation des crayons de couleurs :
les mélanges aux crayons de couleur
Les mandalas
Les mandalas sont souvent utilisés à l’école primaire. Ils favorisent la concentration, sont très appréciés des élèves et permettent de travailler sur l’équilibre des couleurs, la symétrie, la répétition… leur intérêt en arts plastiques est réel.
Ce qui est pertinent du point de vue de l’écriture, dans un mandala, c’est qu’il est généralement composé de surfaces de petite taille, qui permettent à l’enfant de bien travailler en bougeant ses doigts – et en particulier son pouce – et non son poignet. De plus, on peut le tourner absolument dans tous les sens, pour que la surface à colorier soit toujours dans l’axe de l’avant-bras.
L’exercice suivant peut être proposé dès la grande section : l’enfant doit colorier son mandala en utilisant un seul crayon mais en différenciant les surfaces. C’est en variant la pression qu’il obtiendra des nuances de couleur. A partir du CP, on peut même lui demander de créer trois nuances de la même couleur. Je recommande de réserver les parties foncées – donc demandant plus de pression – aux plus petites surfaces, pour éviter de s’habituer à trop crisper les doigts.
Pour y ajouter le travail sur la limite, je suggère en plus de toujours demander à l’enfant de colorier d’abord l’extérieur de la surface, puis de la remplir.
Les frises
Une pratique qui revient à la mode et qui a, à mon sens, de nombreux avantages, est celle des frises sur les cahiers. En début d’année, au CP, avant même d’aborder l’écriture, il est intéressant d’effectuer un repérage de la ligne, des interlignes, et de les faire colorier en donnant bien les consignes suivantes :
- On pose sa main au-dessous de ce que l’on veut colorier.
- On fait d’abord le tour de la surface avec son crayon, puis on remplit en bougeant les doigts
- Le poignet reste immobile.
On remarquera sur la photo la bonne tenue du crayon de cet élève gaucher : son pouce est dans l’axe de l’avant-bras, son poignet est posé, sa main droite tient la feuille, son crayon est coincé entre le pouce et le majeur et guidé par l’index.
Au fil de l’année, on peut complexifier les frises. Une frise peut clore chaque semaine dans le cahier du jour et séparer le travail de celui de la semaine suivante. Lorsque les motifs deviennent plus difficiles, l’élève commence par tracer la frise au crayon à papier et à la règle, ce qui est un véritable exercice de géométrie (organisation dans l’espace, symétrie, repérage dans un quadrillage…), puis il peut choisir les couleurs (on peut travailler le dégradé, les couleurs complémentaires, l’arc-en-ciel…) et colorier sa frise.
On trouvera par exemple un fichier de modèles sur le blog mathématiques au primaire, qui donne des exemples utilisables du CP au CM2.
Je ne résiste pas au plaisir de terminer cet article sur le coloriage par une citation du Dictionnaire des synonymes de B. Lafaye (1884) : « colorier est un terme de peinture, c'est donner à un objet, par un assortissement convenable de couleurs, l'éclat, l'air, l'apparence qu'il doit avoir ».