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Des verbes d’état au participe passé : expliquer les accords complexes

Cet article fait partie d'une série. Il est conseillé de lire d'abord la partie 1, sur le groupe nominal, et la partie 2, qui présente mon matériel de manipulation grammaticale.

Une fois que les élèves se sont pleinement approprié le matériel de manipulation, je m’en sers pour introduire les verbes d’état, puis le participe passé.

L’un des obstacles principaux dans l’apprentissage des règles de grammaire est l’opacité des termes grammaticaux. Il s’agit souvent d’expressions relativement savantes, comme « attribut du sujet », que les enfants rencontrent uniquement dans un contexte scolaire, et ne s’approprient pas. Mes élèves n’ont souvent aucune image mentale associée à un terme particulier, c’est pourquoi il est très facile pour eux de le confondre avec un autre qui n’a aucun rapport. À une question telle que « quelle est la fonction de ce groupe de mots dans la phrase ? », ils pourront répondre quelque chose comme « féminin pluriel ». 

C’est pour cette raison que j’ai choisi de « traduire » ces notions compliquées par des termes simples, que tous les enfants peuvent comprendre, et qui leur permettent d’accéder au sens.

 

Les verbes d'état agissent comme des miroirs

Nous explorons d’abord la différence entre être et avoir, que les élèves confondent souvent : si le garçon a une pomme, il n’est pas une pomme. Dans un cas, le garçon et la pomme sont deux choses différentes. Dans l’autre, le garçon = la pomme. Expliciter cette étape se révèle crucial pour la suite.

En effet, une fois que nous avons posé cette base, on peut en conclure qu’être n’est pas tout à fait un verbe comme les autres : il agit comme un miroir, dans lequel on se reflète. On rebaptisera donc le verbe d’état « verbe miroir », et l’attribut du sujet « reflet du sujet ».

Pour représenter le verbe miroir, j’utilise un jeton rouge (la couleur des verbes), avec une gommette argentée, ou une image représentant la glace d’un miroir. La gommette doit être plus petite que le jeton, pour qu'on puisse voir qu'il s'agit bien d'un verbe.

verbemiroir

Le verbe d'état est représenté par un miroir.

 

 

J'utilise les termes classiques en parallèle du vocabulaire simplifié. Par exemple, je vais dire à l'élève :

« Dans la phrase Je suis contente, le mot contente reflète le mot je, puisque c’est moi qui suis contente, moi = contente. Donc contente est le reflet du sujet. À l’école, on appelle ça l’attribut du sujet, ça veut dire la même chose. »

J’explique aussi qu’il existe d’autres « verbes miroirs », comme sembler, paraître, etc.

 accordduparticipepassé

Aujourd'hui, les filles semblent heureuses.

 

Ces termes posés, il devient facile pour l’enfant de comprendre que le sujet et son « reflet » s’accordent. La différence avec le complément se fait beaucoup plus aisément.

 

Le participe passé, un « presque adjectif »

Le participe passé est particulièrement difficile à appréhender pour un enfant, car il s’agit d’un verbe qui ne se comporte pas comme un verbe. Ainsi, lorsqu’ils écrivent la phrase : « Revenus à la maison, ils s’assirent sur le canapé », certains élèves identifient bien le verbe « revenir », l’associent correctement à « ils », et écrivent donc « revenuent à la maison »...

Pour surmonter cette difficulté, il faut poser la différence entre les accords et la conjugaison, en expliquant que : 

 

Les verbes se conjuguent. Ils ont des terminaisons en fonction de leur personnes et de leur temps.

Les déterminants, noms et adjectifs s'accordent, au féminin ou au masculin, au singulier ou au pluriel.

 

Bien sûr, il faut donc soigneusement éviter l'expression "accord sujet / verbe"...

 

Ces définitions posées bien en amont, on peut expliquer que le participe passé est un verbe qui s’est déguisé en adjectif: au lieu de se conjuguer, il s’accorde.

Nous le représentons donc ainsi :

 

participe passé

Le participe passé est représenté par un jeton rouge (couleur du verbe), avec une gommette bleue (couleur des mots qui s’accordent).

 

J’utilise le terme « presque adjectif », en parallèle de celui de « participe passé ». Je prends aussi le temps d'expliquer l’expression participe passé : lorsqu’on écrit Maître Corbeau sur un arbre perché, le corbeau a fait l’action de se percher avant que l’on prononce la phrase. Le participe passé désigne un état présent, provoqué par une action passée. Il est tout indiqué de passer par des mimes ou des dessins pour faire comprendre à l'élève la logique temporelle.

- Assied-toi puis ensuite dis-moi comment tu es.
- Je suis assis.
- Couche-toi par terre puis dis-moi comment tu es.
- Je suis couché.

 

Nous cherchons ensuite les participes passés de verbes du deuxième et du troisième groupe. C’est l’occasion de constater que comme un adjectif, on peut déterminer la présence d’une éventuelle lettre muette en passant par le féminin.

 

Il a écrit une lettre. La lettre est écrite.
Elle a pris une voiture. La voiture est prise.
Ils ont fini le travail. Leur tâche est finie.

 

J'insiste sur l'importance d'utiliser l'auxiliaire être pour passer au féminin, car ils essaient souvent spontanément de changer le sujet avec avoir, ce qui bien sûr, ne leur donne pas la réponse :

 

Il a écrit une lettre. Elle a écrit une lettre. C'est pareil. Il faut dire "la lettre est écrite" pour entendre le t.

 

Enfin, j’explique aux enfants que lorsqu’il ne fait pas partie d’un verbe conjugué, le participe passé s’accorde exactement comme on accorderait un adjectif.

 

Mettez les pages écrites à gauche et les pages blanches à droite.

 

L’accord du participe avec le verbe être

J’enchaîne ensuite avec des exemples de phrases au passé composé avec l’auxiliaire être. Ici encore, l’utilisation du jeton « verbe miroir » est un moyen très pratique de remettre de la logique dans la mécanique grammaticale.

 

lespetitsgarçonssonttombés

Les petits garçons sont tombés.

 

J’explique à mes élèves que, grâce à la présence du verbe miroir, le participe passé vient refléter le sujet. Cela fonctionne également avec les phrases passives.  

 

lamarmiteestrécurée

La marmite est récurée par le sorcier. Verbe miroir, le participe reflète le sujet.

 

Le verbe avoir, lui, est représenté par le jeton verbe habituel, ce qui signale aux élèves qu’il n’y a pas d’accord avec le sujet.

 

lesorcierarécuré

 Le sorcier a récuré la marmite. Pas de miroir, pas d'accord avec le sujet.

 

 

Et la méthode de Wilmet dans tout ça ?

 

Le participe pae autrement

 

La méthode Wilmet, expliquée plus longuement dans cet article, est une manière populaire d’enseigner l’accord du participe passé. Pour faire court, cela consiste à demander « qu’est-ce qui est… + participe passé » pour trouver l’accord.

 

La clé est rouillée.

Qu’est-ce qui est rouillé ? La clé. Est-ce que ça été écrit avant le participe passé ? Oui, donc on accorde.

 

La pomme que le ver a rongée est pourrie. 

Qu’est-ce qui est rongé ? La pomme. Est-ce que ça a été écrit avant le participe passé ? Oui, donc on l’accorde.

 

Les adultes ont puni les enfants.

Qui est-ce qui est puni ? Les enfants. Est-ce que ça a été écrit avant le participe passé ? Non, donc pas d’accord.  

 

Cette méthode est intéressante ; cependant, elle ne prend pas en compte les cas de figure où le sujet peut être après le verbe, les verbes de transformation, et les cas de participes sans auxiliaire.

 

La clé a rouillé.

Qu’est-ce qui est rouillé ? C’est la clé. Est-ce que ça a été écrit avant le participe passé ? Oui. Selon Wilmet, il faudrait accorder.

 

Arrivés à la maison, ils s’assirent sur le canapé.

Qui est-ce qui est arrivé ? Ils. Est-ce que ça a été écrit avant le participe passé ? Non. Donc selon Wilmet, pas d’accord.

 

Comme je l’ai déjà dit dans de précédents articles, de manière générale, je me méfie des « trucs », qui prétendent remplacer l’analyse grammaticale. L’expérience prouve qu’une application mécanique de ceux-ci ne peut se substituer durablement à une véritable réflexion sur la langue. Pour écrire correctement en français, il est de toute manière essentiel de savoir distinguer le sujet de l’objet. Cela étant dit, on peut tout à fait utiliser cette méthode en appui de l’explication de la règle complète.

 

Trouver le COD et réussir l’accord avec avoir

Je n’enseigne la règle sur l’auxiliaire avoir et l’accord avec le complément d'objet direct que lorsque tout le reste est très bien installé. En consacrant trop de temps à cette subtilité avant d’avoir ancré solidement les bases, on risque de brouiller le message pour l’élève.

Je prends le temps d’analyser l’expression complément d’objet direct : il s’agit bien de l’objet sur lequel l’action s’exerce, et il est direct car il n’est pas introduit par une préposition. J’utilise très peu l’acronyme COD, qui peut détourner l’élève du sens.

 

Ici, la question de Wilmet : « qu’est-ce qui est… » devient très pertinente pour trouver le complément d'objet direct. Elle est bien plus efficace que la question passe-partout « quoi ? », qui peut engendrer facilement des confusions.

 

J’ai cuisiné un gâteau.

Qu’est-ce qui est cuisiné ? Le gâteau.

 

J’ai mangé dans ma cuisine.

Qu’est-ce qui est mangé ? On ne sait pas.


(Avec la question quoi ?, l’élève risque de demander « j’ai mangé dans quoi ? dans ma cuisine », et être ainsi induit en erreur).

 

On peut utiliser un jeton verbe spécial, avec le regard vers la gauche, pour illustrer la règle de l’accord du COD situé avant le verbe avec le verbe avoir.

jaidévorélamaitresse

J'ai dévoré la maitresseQu'est-ce qui est dévoré ? La maitresse.

Le verbe regarde à gauche, il ne voit pas le complément d’objet direct qui est à droite. On n'accorde pas.

 

Il est important d’adresser le cas du COD comme pronom antéposé (voir l’article précédent), qui est le plus courant. Pour ce faire, l'empilement des jetons expliqué dans l'article précédent est très efficace.

 

jelaidévorée

Je l'ai dévorée.

Le verbe regarde à gauche, il voit le pronom l', on accorde.

 

Par parenthèse, je trouve cette règle inutilement compliquée (sans même parler des finasseries autour des verbes pronominaux, qui ne seront abordés qu'en tout dernier), et la proposition de simplification défendue par le Conseil international de la langue française me semble tout à fait intéressante.

 

Quoi qu’il en soit, la méthode Syntaxe Max rend le processus d’apprentissage beaucoup moins fastidieux. Les niveaux 2 et 3 intègrent les verbes d’état, les participes passés et l’auxiliaire avoir. Vous pouvez les retrouver ici, pour pratiquer avec vos élèves !

 

Hélène Pierson

 

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