En Belgique, le système scolaire est assez différent de notre système français. Il est organisé en plusieurs réseaux, dont les deux principaux sont le réseau officiel et le réseau libre. Ces deux réseaux sont subventionnés par les Communautés de Belgique.
L'enseignement francophone concerne la Fédération Wallonie-Bruxelles.
L'école primaire est organisée en six années, qui, bien plus logiquement qu'en France, portent le nom de "première primaire", "deuxième primaire", etc., jusqu'à la "sixième primaire" qui correspond... à notre Sixième de collège !
Les élèves passent ensuite à 12 ans dans le Secondaire où les classes sont dénommées "première secondaire", "deuxième secondaire", etc.
Le socle de compétences, qui était en vigueur, est actuellement progressivement remplacé par des "référentiels du tronc commun". A partir de ces référentiels, les programmes sont rédigés par réseau. Les documents que je cite sont extraits du programme de l'enseignement libre.
Posture et tenue du crayon clairement explicités
Contrairement aux programmes français, qui se contentent d'énoncer qu'il faut avoir une tenue de crayon appropriée et une bonne posture, sans expliciter de quoi il retourne précisément, ce programme est très clair sur la posture et la tenue du crayon à adopter. Il reprend même tout à fait précisément les explications que j'ai données dans Bien écrire et aimer écrire en 2020.
Je suis particulièrement sensible au fait que le texte n'omet ni la nécessité d'adapter le mobilier à la taille de l'enfant (éventuellement avec un coussin et un marchepied), ni celle d'utiliser des cahiers de petite taille et de les positionner dans la continuité de l'avant-bras.
Ces éléments sont tout à fait essentiels pour pouvoir écrire de manière confortable et efficace !
Formation des lettres et progression logique
Les formes de base de l'écriture cursive, mises en avant par Danièle Dumont dans son ouvrage de référence, Le Geste d'écriture, et que j'ai légèrement simplifiées pour la publication de Bien écrire et aimer écrire, sont mises en avant de manière organisée.
Les formes des lettres ne sont dont pas présentées de manière figée, comme dans le document La forme des lettres d'Eduscol en France, mais avec leur geste formateur. En partant de la boucle comme première forme de base, il n'est nul besoin de lancer un débat pour savoir si oui ou non la lettre e doit être tracée avec une cassure, qui n'a aucune raison d'être !
Il est très intéressant de montrer que les quatre formes de base qui doivent être apprises dès la maternelle - la boucle, la pointe, le pont et le rond - permettent d'écrire un très grand nombre de lettres, surtout si on leur ajoute le bec de fin de mot (pour le o, le b et le v). Les élèves prennent ainsi rapidement conscience du fait qu'ils n'ont pas besoin d'apprendre 26 tracés différents mais peuvent réemployer ceux qu'ils connaissent déjà !
Le tableau permet d'avoir une vision synthétique de l'ensemble des lettres de l'alphabet et de la manière de les tracer. J'espère qu'il sera utile aux enseignants en leur permettant d'organiser une progression logique du point de vue du geste.
Cette progression est justement détaillée dans le paragraphe suivant :
Je me réjouis, là encore, de ce que loin de suggérer, comme le "guide orange" français, d'inféoder la progression d'écriture à celle de lecture, le document prend en compte la nécessaire progression de l'écriture en fonction du geste, étape par étape, et suggère des solutions permettant de faire très rapidement le lien entre écriture et lecture.
L'apprentissage de l'écriture est bien mis à sa juste place : en déconseillant de faire copier des lignes de lettres isolées, mais en privilégiant plutôt l'écriture de mots réguliers, déchiffrables par les élèves, on permet aux élèves d'acquérir des bases bien plus solides ! Si on ajoute à ce texte la suggestion d'écrire en oralisant au fur et à mesure les sons que l'on écrit, on aura la recommandation parfaite pour créer de vrais scripteurs / lecteurs, et non des dessineurs / devineurs !
L'utilisation de la police Belle Allure, création de Jean Boyault, que j'utilise également dans tout la collection Mes cahiers d'écriture de chez MDi, permet de proposer des modèles simples et efficaces. Cette police est mise à la disposition des enseignants gratuitement par son auteur !
Les enseignants belges ont ainsi à leur disposition des recommandations simples et efficaces, qui devraient leur permettre d'enseigner l'écriture manuscrite de manière raisonnée.
Le sens de tracé des chiffres
L'écriture des chiffres n'est pas oubliée ! Dans la partie du programme consacrée aux mathématiques, mon travail est à nouveau cité à propos du tracé des chiffres.
Il est à noter que le tracé des chiffres a des points communs avec celui des lettres - posture, tenue du crayon, positionnement du cahier - mais présente également des différences importantes. Les nombres, en effet, s'écrivent à partir de chiffres écrits séparément, en "détaché" : il n'existe pas d'écriture cursive des chiffres. La fluidité de l'écriture ne peut donc pas être la même. Par ailleurs, les chiffres 2 et 3 comportent des tracés dans le sens du "rouleau", qui n'est pas le sens majoritaire de l'écriture des minuscules cursives (on ne trouve des rouleaux que dans les lettres s, k et x). Le 0, le 6, le 8 et le 9, en revanche, s'apparentent à la lettre O de par leur sens de tracé.
Des activités associées
Le programme présente ensuite un certain nombre d'idées concrètes, sous la forme d'activités associées. Et c'est là que le bât blesse parfois, car il est bien difficile de garder une cohérence ! De même que dans les programmes français, j'avais relevé de nombreuses contradictions, certaines activités ne sont pas en accord avec les principes énoncés.
Tracer une lettre dans l'espace, la semoule, le sable : voilà qui est parfait ! Si on part du geste pour aller vers la trace, on peut faire ce même geste avec une grande variété de supports, et constater que la trace est similaire.
Passer son doigt sur les lettres granuleuses : voilà qui est parfait aussi ! J'aime beaucoup mieux le terme de "lettre granuleuse" que le traditionnel "lettre rugueuse" qu'on utilise ici. D'ailleurs, les "lettres rugueuses" de chez MDI ne sont pas vraiment rugueuses, elles sont granuleuses mais toutes douces ! Ce qui me dérange beaucoup, par contre, c'est le "en suivant les flèches". Et ce pour deux raisons. Tout d'abord, parce que suivre les flèches, c'est encore privilégier le contrôle visuel : "tu regardes et tu suis le chemin qui est montré". Ce n'est pas encoder le tracé de manière vraiment kinesthésique, par le mouvement. Ensuite, parce que si on regarde bien l'image, on voit que les lettres ont plusieurs flèches, ce qui incite à s'arrêter, voire à lever le doigt pour la lettre d, et à reprendre un deuxième geste pour terminer la lettre ! Or, à l'exception du x, toutes les lettres peuvent être tracées d'un seul tenant, pour plus de fluidité.
Pour moi, la flèche devrait être unique et juste indiquer le point de départ ! Et la consigne "Passe ton doigt sur la lettre granuleuse avec les yeux ouverts, puis avec les yeux fermés", par exemple.
Tracer une lettre dans le dos du voisin : très bonne idée, tant que le tracé est en un seul mouvement. Là, on n'est pas gênés par le contrôle visuel.
Écrire des mots dictés en étant guidés : voilà un excellent principe. On ne répètera jamais assez que la dictée est avant tout un mode d'apprentissage, pas d'évaluation ! Par contre, cette aide doit être pertinente et ne doit pas devenir une description de parcours. Si on a travaillé l'encodage de la lettre l par un mouvement des doigts, on ne doit pas dire "je monte plus haut pour faire ma boucle, puis je redescends", mais "je fais la flèchette avec mes doigts" ou "je tends et je replie mes doigts" en traçant une boucle ! C'est important, car on met là encore le mouvement des doigts en avant, et on ne décrit pas chaque lettre individuellement, mais en référence à ce que l'enfant sait déjà faire.
Par ailleurs, ces indications, à mon avis, ne doivent être données que si l'enfant est en difficulté et trace par exemple des l trop petits, qui ressemblent à des e. L'idéal est de donner comme première consigne "écris le son lllllll en le disant", puis très vite "écris le mot lllllleeeee en le disant". Ainsi, l'élève ne se concentre pas sur le mouvement de ses doigts, mais sur le son, qu'il lui associe durablement. On n'intervient pour corriger le tracé que s'il est incorrect.
On retrouve d'ailleurs l'activité juste après, au moment de l'écriture de mots. Excellent ! Et garder les mots comme des trésors est une bien jolie idée !
Le mémo à réaliser qui est proposé ensuite ne peut que me réjouir, d'autant plus qu'il reprend celui que je propose dans mes cahiers d'écriture MDI - en y ajoutant la posture en premier, ce qui est une bonne idée.
Mémo des éditions MDI - disponible sur la page Ressources utiles
Par contre, le répertoire de tracés de formes de lettres me pose plusieurs problèmes. Il est très judicieux, bien sûr, de regrouper toutes les lettres rondes. Il le serait encore plus de commencer par la lettre c, qui est la première à tracer, et non par la lettre a, qui combine déjà deux formes (le rond ouvert et la pointe) ! c a d o q g serait un ordre bien plus logique à présenter.
Le grand nombre de flèches, ensuite, incite à décomposer le mouvement, ce qui induit de la lenteur. Une seule flèche au départ suffirait largement - voire pas de flèche du tout, si on vient d'indiquer le point d'attaque, cela suffit ! Si on part du c, nul besoin d'ajouter des explications superflues.
Ce qui me dérange le plus, ce sont les points de couleur. Comme chacun sait - et si l'enfant n'est pas daltonien, comme près de 8 % des garçons - le point vert indique un point de départ, ou une autorisation à avancer, et le point rouge une injonction à s'arrêter. Les points sont corrects sur le a, le c et le o - même si je ne vois aucun intérêt à indiquer par un repère que quand le tracé de la lettre est fini, il faut s'arrêter - mais par contre ils sont faux sur le d, le q et le g. Ce qui est demandé à l'enfant, en contradiction avec le schéma présenté juste au-dessus, c'est de commencer à midi, de tracer un rond, puis de lever le crayon (point rouge), puis de reprendre à un autre endroit (deuxième point vert) et de tracer soit la barre du d, soit le jambage du g ou du q. Autant dire que ces "aides" n'en sont pas et devraient être supprimées !
A mon sens, tout ce qui alourdit - comme les arcs des syllabes ou l'usage des couleurs dans les textes de lecture, les flèches et les points de couleur en écriture - devrait être utilisé avec la plus grande parcimonie.
Ces réserves mises à part, je suis encore une fois ravie que les programmes belges se soient penchés très sérieusement sur la question de l'écriture et maintenant je rêve d'aller faire des formations dans les écoles de Belgique, pour les accompagner !
Je remercie les rédacteurs de ces programmes, et en particulier Benoît Wautelet, qui a pris la peine de me consulter lors de leur mise au point, d'avoir effectué les recherches nécessaires et intégré mon travail dans leurs préconisations. J'espère de tout cœur que ces programmes seront utiles aux enseignants belges et permettront à leurs élèves de progresser.