En classe, il est assez facile de repérer les élèves en difficulté d'écriture. Il est par contre beaucoup plus difficile de mettre un nom sur cette difficulté et, surtout, de savoir à qui adresser l'enfant pour l'aider de manière efficace. Je vous propose un rapide tour d'horizon des professionnels (j'en parle au masculin pour des raisons grammaticales, mais ce sont en grande majorité des femmes, dans toutes les spécialités présentées) susceptibles de recevoir vos élèves, afin de vous aider à vous y retrouver.
Un orthophoniste ?
Les orthophonistes ont des attributions très larges. Ils peuvent traiter aussi bien les troubles de la déglutition que le bégaiement, les problèmes d'aphasie de la personne âgée que la dyslexie, les défauts de prononciation ou même les difficultés en mathématiques. Ils sont également habilités à rééduquer l'écriture de leurs patients.
Dans la réalité, il est bien évident que leurs champs d'intervention sont si larges que les orthophonistes ne peuvent pas les maîtriser tous de manière pointue. Il existe d'ailleurs des orthophonistes spécialisés — dans la rééducation des mathématiques ou dans les troubles liés à l'autisme, par exemple.
Tous les orthophonistes n'acceptent pas les patients venant pour une rééducation de l'écriture, que ce soit parce qu'ils ne sont pas spécialisés ou parce qu'ils sont débordés. L'avantage pour les familles est que la rééducation peut être remboursée si elle est prescrite par un médecin.
Lorsqu'un enfant présente à la fois des troubles de la lecture et de l'écriture, il peut être envisagé de l'adresser à la fois à un orthophoniste et à un graphopédagogue, qui dans l'idéal devront être en contact l'un avec l'autre. Le rythme de la prise en charge n'est pas le même — l'orthophoniste recevra l'enfant une ou deux fois par semaine, régulièrement, tandis que le graphopédagogue ne le verra pas à un rythme aussi soutenu puisqu'il s'appuie sur du travail à la maison.
Un psychomotricien ?
Les psychomotriciens sont, comme leur nom l'indique, qualifiés pour aider les personnes ayant des difficultés psychomotrices. Ils peuvent intervenir quand un élève est mal latéralisé, qu'il est très maladroit, qu'il a un schéma corporel incomplet, des gestes désordonnés. Ils sont formés pour travailler à la fois sur la motricité large et sur la motricité fine. Bien souvent, ils commencent par la grande motricité, afin d'installer l'enfant dans un meilleur rapport à son corps. Ils s'adressent à la psychologie de l'enfant en passant par le corps, pour l'aider à se construire.
Lorsqu'un enfant présente des difficultés qui ne se manifestent pas uniquement dans l'écriture mais dans tous les domaines — gestes de la vie quotidienne, sport, activités manuelles... — il peut être pertinent de l'adresser à un psychomotricien.
Les CMPP ou CAPP emploient souvent des psychomotriciens, qui travaillent en individuel ou avec de petits groupes d'enfants. La prise en charge est dans ce cas souvent complétée par des rendez-vous avec le psychologue de l'établissement. Les prises en charge dans ce cadre sont gratuites, mais les temps d'attente souvent très longs.
Les psychomotriciens travaillent rarement directement la rééducation de l'écriture de manière systématique. Ils ont une approche plus globale en agissant sur la confiance en soi, sur le rapport au corps.
Il est probable qu'un élève qui n'a aucun problème psychomoteur mais dont les difficultés en écriture sont uniquement dues à un problème d'apprentissage ne tirera pas grand bénéfice d'un travail centré sur la psychomotricité. Il vaut mieux l'adresser directement à un graphopédagogue. A l'inverse, un élève maladroit ou mal coordonné dans ses gestes profitera grandement d'un travail en psychomotricité, qu'il soit mené avant une rééducation en écriture par le graphopédagogue ou parallèlement à celle-ci. Dans ce dernier cas, un contact entre le psychomotricien et le graphopédagogue est souhaitable pour donner de la cohérence aux deux approches.
Un ergothérapeute ?
Les ergothérapeutes sont des professionnels médicaux, agissant sur prescription médicale, spécialisés dans l'aide à la personne ayant des difficultés avec les gestes de la vie quotidienne. Ils sont compétents en particulier pour conseiller un matériel adapté aux handicaps ou problèmes moteurs : cela peut aller du fauteuil roulant à l'enfile-chaussettes — tout ce qui peut apporter confort ou soulagement au patient. Il est également dans leurs attributions de rééduquer par l'activité adaptée.
Les ergothérapeutes sont généralement sollicités, dans le cadre de l'écriture, pour des enfants porteurs de handicap ou accidentés, ou encore pour des personnes âgées. Leur rôle peut être de proposer un matériel spécifique adapté à un problème physique — par exemple un guide-doigts particulier en cas d'hypothonie de la main ou de séquelle d'accident. Ils peuvent également aider l'enfant à mieux réaliser certains gestes nécessaire à l'écriture, lui permettre de renforcer certains muscles nécessaires à la scription. Peu d'ergothérapeutes sont spécifiquement formés à la rééducation de l'écriture, mais dans le cas d'un enfant handicapé ou accidenté, il est très utile au graphopédagogue de disposer du bilan réalisé par l'ergothérapeute.
Si l'enseignant conseille des séances d'ergothérapie pour un élève, la prescription doit être rédigée par un médecin. Les ergothérapeutes sont très présents en milieu hospitalier et en institution, mais également en libéral. Pour les personnes handicapées, les séances peuvent être remboursées par la MDPH sous couvert de l'AEEH. Certaines mutuelles les prennent également en charge.
Un graphothérapeute ?
Les graphothérapeutes, eux, s'occupent spécifiquement de l'écriture. La plupart d'entre eux sont graphologues de formation, c'est-à-dire qu'ils sont susceptibles d'analyser une écriture pour en déduire certains traits de personnalité du scripteur.
Il est encore plus difficile d'énoncer des généralités sur les graphothérapeutes que sur les autres professions citées, car la profession n'est pas réglementée. Il existe donc des approches très diverses. De manière générale, on peut dire que le graphothérapeute accorde beaucoup d'importance à la psychologie et à la personnalité de la personne, et travaille longtemps en amont de l'écriture — sur le geste. Il y a d'ailleurs parfois une ambiguïté : le graphothérapeute propose-t-il une thérapie de l'écriture ou une thérapie par l'écriture ? Certains graphothérapeutes sont rééducateurs de l'écriture, d'autres non.
D'ordinaire, le graphothérapeute propose un bilan graphomoteur, durant lequel l'âge graphomoteur sera calculé et de nombreuses autres indications données. Ce bilan est souvent facturé à part et assez onéreux. La rééducation proprement dite débute au rendez-vous suivant, à raison en moyenne d'une séance de 45 min par semaine, durant un trimestre à une année scolaire. Certains graphothérapeutes donnent du travail à la maison, mais l'essentiel se fait en cabinet.
Dans le cas d'une famille disposant de moyens financiers et n'ayant guère de temps à consacrer à la rééducation de l'écriture de l'enfant, une graphothérapie peut être suggérée en alternative à la graphopédagogie. En revanche, le double suivi graphothérapeute / graphopédagogue n'est pas pertinent.
Un graphopédagogue ?
Lorsqu'un élève présente uniquement des troubles de l'écriture, sans autre difficulté ou handicap, ce qui est plus fréquent qu'on ne pourrait le croire, il me semble que la graphopédagogie est de loin la meilleure solution.
Le graphopédagogue est par essence un rééducateur de l'écriture car il travaille l'ensemble de l'écriture, et plus spécifiquement le geste d'écriture. Son approche est plus technique, centrée sur la tenue du crayon, le mouvement des doigts, le déplacement du poignet - mais il porte également attention au lien avec la lecture et à la compréhension.
Lors de la première séance, il observe l'écriture de l'élève, sa tenue du crayon, ses stratégies de copie, et propose immédiatement des exercices à réaliser à la maison. Ces exercices doivent être faits quotidiennement ou presque pour que l'entraînement soit efficace. Aucun bilan écrit n'est rédigé — sauf cas très particulier.
L'avantage pour les familles est que la rééducation nécessite beaucoup moins de séances, l'essentiel du travail étant fait à la maison. Une rééducation simple se fait en 4 à 6 séances.
Lorsqu'un élève présente des troubles plus vastes, dus à un handicap (trisomie, autisme, maladie génétique...), à un trouble du comportement ou à des difficultés de concentration, la question peut se poser de l'ordre des priorités. En effet, la graphopédagogie n'est pertinente que si l'enfant comprend l'usage du langage écrit, a une capacité d'attention suffisante pour bénéficier d'un cours particuier qui dure de 45 min à 1 h et manifeste un peu de bonne volonté ou d'intérêt pour ce travail. Dans le cas contraire, il vaut mieux agir en amont et envisager une rééducation de l'écriture plus tard.
Par contre, un élève TSA (autiste), trisomique, TDAH (troubles de l'attention), HPI (précoce ou haut potentiel) ou autre spécificité pourra pleinement bénéficier de la graphopédagogie s'il accepte la démarche de rééducation et est bien encadré à la maison.
Un autre professionnel : psychologue ? sophrologue ? kinésiologue ? spécialiste des réflexes ?
Il arrive que les enfants aient des difficultés de mobilisation de leurs capacités, un manque de concentration ou des troubles du comportement.
Parfois, ces difficultés survivent à une rééducation de l'écriture et peuvent être un obstacle à l'obtention d'une écriture fluide et lisible. Le geste formateur des lettres est alors connu, mais le déplacement de la main et du poignet reste inefficace ; la dispersion de l'attention rend la rédaction d'un texte long impossible. Il peut également y avoir un obstacle psychologique à la rééducation : certains élèves sont capables de bien écrire à la suite d'une rééducation, mais n'arrivent pas à montrer ce qu'ils savent faire, suite à un blocage. Des réflexes primitifs non intégrés peuvent également être un obstacle à la coordination des gestes nécessaire à l'écriture et à la concentration.
Selon les cas, on peut alors envisager un suivi avant, pendant ou après la graphopédagogie. Il peut s'agir d'un suivi par un psychologue, un sophrologue, un kinésiologue, un spécialiste des réflexes primordiaux... selon que l'on soupçonne plutot un blocage psychologique, une tension trop grande nuisant aux apprentissages, un manque de concentration ou des réflexes mal intégrés. Il n'est pas toujours facile de faire le tri entre les différentes indications ! Le bon sens commande souvent de conseiller les familles en fonction des praticiens que l'on connaît favorablement plutôt qu'en fonction des spécialités qu'ils exercent — et ce d'autant plus que toutes les spécialités ne sont pas facilement disponibles partout. Les graphopédagogues connaissent généralement bien les professionnels qui exercent près de leur cabinet - certains travaillent même dans des structures pluridisciplinaires, comme Le Cocon d'Alfred à Besançon.
Là encore, une coordination entre le graphopédagogue et l'autre professionnel suivant l'enfant est hautement profitable.