Je suis toujours impressionnée, quand je reçois des écoliers pour une rééducation de l'écriture, par l'extrême disparité de quantité d'écriture quotidienne des élèves. D'une classe de même niveau à l'autre, la quantité d'écriture manuscrite demandée à l'enfant peut varier du simple au décuple ! Sur certains cahiers de CM, j'ai du mal à trouver un échantillon de l'écriture manuscrite de l'enfant, tant les photocopies occupent tout l'espace disponible. Quelle quantité d'écriture doit-on demander à un élève d'école élémentaire ?
Au CP, l'année de l'apprentissage
Le CP, sans grande surprise, est une année essentielle dans le processus d'apprentissage de l'écriture. Dès les premiers jours de l'année scolaire, il est souhaitable que les élèves commencent leur cahier d'écriture - ou leur cahier du jour, selon l'organisation choisie par l'enseignant. Au tout début, il s'agit surtout de se repérer dans le cahier - apprendre les mots marge, ligne, interligne, carreau, vérifier que le sens de l'écriture, de gauche à droite, est bien acquis, vérifier que les élèves perçoivent bien le lignage du cahier, que je conseille de choisir en Seyès agrandi.
Des petits exercices tout simples, qui devraient permettre à tous les élèves de réussir, peuvent être proposés dans le cahier. La date et le titre sont bien entendus écrits par l'enseignant.
Très rapidement, le geste de la boucle est travaillé, permettant d'écrire la lettre e, puis la lettre l en l'étirant vers le haut puis, en l'étrécissant jusqu'à devenir une pointe, les lettres i, u et t. Chaque jour, une page d'écriture permet à l'enfant d'écrire la lettre, d'abord en repassant d'un geste vif sur un modèle pour sentir le geste, puis de manière autonome la lettre seule, puis dans des mots ne contenant que des lettres déjà apprises. On peut terminer chaque page d'écriture par une petite frise, pour consolider le repérage des interlignes.
Une fois les 26 lettres de l'alphabet apprises une première fois, on passe une deuxième couche en les revoyant une à une. A ce stade de l'année (vers la Toussaint, environ), l'apprentissage de la lecture a bien avancé et on peut proposer de petites phrases avec la consigne « copie et dessine ». L'enseignant écrit la majuscule.
A raison d'une page par jour dans le cahier d'écriture, à laquelle s'ajoutent bien entendu les dictées, la rédaction des réponses aux problèmes de mathématiques, les phrases de plus en plus complètes copiées dans le cahier de découverte du monde, etc., l'élève reçoit un entraînement suffisant pour bien automatiser son geste.
A partir du mois de janvier, il écrit la date et il peut copier lui-même ses poésies, ses devoirs dans son agenda ou son cahier de texte. C'est aussi le moment de commencer à rédiger de courtes phrases en autonomie. Pour la progression en expression écrite, je vous renvoie au blog de Zaubette, qui détaille tout très clairement.
A la fin du CP, l'élève écrit sur un cahier Seyès 2 mm (en format 17 x 22 cm). Chaque jour, il remplit une ou deux pages de son cahier du jour : écriture, dictée, phrase du jour, copie et dessine... Le moment peut être bien choisi pour commencer l'apprentissage des majuscules cursives, en particulier les plus courantes - I, U, L, M...
Si vous utilisez des fichiers de l'élève, que ce soit en maths ou en français, il est important de vérifier que les réponses ne sont pas à donner sous forme de trous à remplir. Si toutefois c'est le cas, il faut absolument faire régulièrement écrire à l'enfant la phrase en entier, pour qu'il prenne conscience du sens de ce qu'il écrit. Au CP, l'écriture se fait toujours en subvocalisant, ce qui permet à l'enfant de synchroniser lecture et écriture.
Par exemple, si la réponse à votre problème de mathématiques est présenté dans le fichier de sous la forme
il est important de faire, une fois par semaine, écrire un problème, sur le cahier de maths, avec la réponse en toutes lettres - Enzo a gagné 22 pièces - en oralisant l'écriture au fur et à mesure. Sinon, les enfants font le calcul et se disent « Je mets la réponse là » sans avoir du tout conscience du sens de la phrase.
Au CE, les années de consolidation
Arrivé au CE1, l'élève sait lire, il sait écrire, mais ces deux apprentissages restent fragiles et ont besoin d'être consolidés pour être véritablement intégrés. Tous les travaux récents sur la plasticité cérébrale insistent sur le rôle essentiel d'un apprentissage prolongé pour créer de nouvelles connexions et les automatiser. Pour qu'un apprentissage s'intègre véritablement, il doit être précoce, long et intensif.
Au CE1, il faut donc lire (à voix haute) et écrire (toujours à voix haute) quotidiennement ! L'expression écrite s'affine et devient de plus en plus personnelle. Là encore, je ne peux que vous renvoyer au site de Zaubette, où elle présente une progression de très grande qualité.
Un enfant de CE1 doit pouvoir copier lui-même ses exercices de français et de mathématiques. Dans le cas d'exercices systématiques de grammaire, il vaut mieux donner moins de phrases (ou en faire une grande quantité, mais à l'oral) mais les faire rédiger entièrement par les élèves. Ainsi, ils apprennent à lier systématiquement écriture et sens, dans un travail en continuité.
Pour ce qui concerne les leçons, il est possible de faire le choix de les donner sous forme de photocopies afin d'être certain qu'aucun élève n'ait une leçon erronnée dans son cahier. Dans ce cas, et si les photocopies sont collées sur un cahier, il vaut mieux réserver l'ensemble du cahier aux photocopies : en effet, il est difficile d'écrire, en particulier sur la page de gauche, dans un cahier sur lequel de nombreux documents ont été collés. La colle crée toujours des aspérités et des surépaisseurs qui gênent l'écriture.
Si l'élève copie lui-même sa leçon, il faut vérifier qu'elle est exempte de fautes pour qu'elle puisse être apprise correctement.
Les poésies doivent être écrites à la main, avec un soin tout particulier.
Lors des leçons de découverte du monde, l'élève peut être amené à faire des dessins d'observation, qu'il pourra légender ou commenter.
merci à Benoît, CE1
Au total, la quantité d'écrit en CE1-CE2 doit être d'environ 2 pages de petit cahier par jour, toutes matières confondues, pour assurer un entraînement de qualité sans fatigue inutile.
Au CM, l'écriture courante
Au cours moyen, la lecture et l'écriture sont devenues courantes, et n'ont plus besoin d'être travaillées en tant que telles, mais peuvent être mises au service de tous les apprentissages : littérature, étude de la langue, mathématiques, histoire, géographie, sciences, arts.
Convenablement entraînée, l'écriture ne doit pas être une source de fatigue. Petit à petit, la subvocalisation se fait plus discrète : les élèves sont en train de construire leur voix intérieure, ils peuvent lire et écrire en subvocalisant à voix très basse ou en se contentant de labialiser (bouger les lèvres sans émettre de son).
L'expression écrite devient rédaction : au moins une fois par semaine, les élèves doivent être amenés à rédiger un texte de leur cru, en étant capables de mobiliser leurs connaissances linguistiques pour les mettre au service de leur pensée. En fin de CM2, ces textes peuvent faire une page de petit cahier, voire plus.
Je me permets de recommander Archilecture, ouvrage dont je suis co-auteur, qui s'organise entièrement autour de l'expression écrite : les élèves sont invités, une fois par période, à se lancer dans un chantier d'écriture, autour duquel ils mobilisent toutes leurs connaissances et compétences. La maîtresse blogueuse Auléric s'est prêtée au jeu avec sa classe de CM2 l'année dernière et présente le résultat ici : le carnet de voyage. Une nouvelle édition vient de paraître pour le CM1, conforme aux programmes 2016.
Ces programmes 2016 sont très clairs sur la place de l'écriture :
Comme au cycle 2, la fréquence des situations d’écriture et la quantité des écrits produits sont les conditions des progrès des élèves. L’enjeu est d’abord que les gestes graphiques soient complètement automatisés de manière à libérer l’attention des élèves pour d’autres opérations. L’enjeu est également que le recours à l’écriture devienne naturel pour eux à toutes les étapes de leurs apprentissages scolaires et qu’ils puissent prendre du plaisir à s’exprimer et à créer par l’écriture.1
Le recours aux photocopies doit donc devenir l'exception, afin que les élèves s'approprient véritablement le lien entre écriture et apprentissage. A mon sens, les photocopies devraient se limiter à des documents et les textes à trous, quels qu'ils soient, être bannis.
La solution de facilité consistant à décharger les élèves des tâches d'écriture afin de pouvoir plus rapidement finir la leçon me semble être une fausse bonne idée. A long terme, il est beaucoup plus payant de travailler de manière systématique les stratégies de copie afin d'envoyer au collège des élèves capables d'écrire plusieurs pages sans fatigue, de rédiger quelques lignes sans trop de fautes, mais aussi d'utiliser l'écriture manuscrite comme moyen d'organiser leur pensée et de mémoriser leur leçons.
Au total, un élève de CM2 doit pouvoir écrire 3 à 4 pages de petit cahier dans la journée sans difficulté.
1. Conseil supérieur des programmes, Programmes du cycle 3, 2016.