La banalisation de la photocopie a permis l'usage systématique des textes à trous

Grâce à l'arrivée massive des photocopies dans les établissements scolaires, les enseignants peuvent reproduire des exercices presque à volonté. Devant le manque de temps de plus en plus préoccupant, ils font souvent le choix, afin de pouvoir tout de même "faire le programme", de donner des exercices à trous. Ainsi, l'enfant est soulagé de la tâche ingrate consistant à recopier toute la phrase et il n'a besoin que de se concentrer sur la question étudiée - la terminaison du verbe, le choix entre deux homophones... - pour remplir les trous.

Il est souvent recommandé, d'ailleurs, de privilégier ces exercices à trous pour les enfants qui ont des troubles dys, quels qu'ils soient. Ainsi, on peut maintenir l'illusion que l'enfant a effectué l'ensemble de la tâche, puisque l'exercice est effectivement complet sur le cahier.

Cependant, en remplissant les trous, l'élève ne s'est en rien entraîné à écrire correctement - ni du point de vue du geste, ni du point de vue de l'orthographe. En écrivant toute la phrase, surtout s'il subvocalise en même temps, l'élève automatise petit à petit le choix de la bonne graphie. En remplissant un trou, il ne fait qu'appliquer un truc. Faites le test : demandez à un de vos élèves de redire une phrase d'exercice à voix haute, juste après qu'il l'ait complétée. Vous avez de grandes chances qu'il en soit incapable puisqu'il l'a souvent complétée sans vraiment la lire et sans prêter le moins du monde attention à son sens.

Prenons l'exemple classique de deux homophones : à et a.

A force d'écrire "Je vais à la plage ; il rentre à la maison ; j'ai mangé une tarte à la crème" et "Il a une veste bleue ; elle a froid ; Pierre a vu cette émission", l'élève mémorise progressivement la bonne orthographe, il prend des habitudes en fonction de la structure de la phrase. Il est d'ailleurs plus efficace, à mon avis, de travailler séparément le verbe ou l'auxiliaire avoir, d'une part, et la préposition à, d'autre part, pour installer les bonnes structures orthographiques, mais c'est un autre débat.

Par contre, si l'enfant est face à ce type d'exercice, que l'on trouve partout1,

a ou à

il doit écrire ceci : a / a / à / à / a / à / a / à / à / a.

En écrivant cette succession de lettres, qui n'a aucun sens en soi, il ne mémorise strictement rien. Dans le meilleur des cas, il a compris le truc (remplacer par avait), mais n'a pas automatisé les structures de phrases. Dans le pire des cas, il a écrit au hasard, comptant sur sa chance (une sur deux).

C'est pourquoi je préfère nettement, y compris dans le cas d'élèves ayant des difficultés importantes ou des troubles dys, faire écrire convenablement deux phrases plutôt que dix, mais entièrement et correctement, plutôt que de faire remplir des trous. Les aménagements pour élèves à besoins particuliers sont ainsi plus faciles à prendre en compte, mettent moins l'élève à part (il n'a pas de support particulier, il a juste l'autorisation de ne faire que les deux premières phrases de l'exercice) et sont plus efficaces d'un point de vue pédagogique. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le but de l'exercice est de s'exercer, c'est-à-dire de s'entraîner, et pas de montrer ce que l'on sait ou pas. Un exercice n'est pas une évaluation.

 

Cinquième constat : l'utilisation de textes à trous nuit à la perception de la phrase dans son ensemble.

 

1. Celui-ci est extrait d'O.R.T.H. CE2 de chez Hatier, mais tous les enseignants ont des banques d'exercices dans lesquelles ils puisent, indépendamment du manuel éventuellement utilisé en classe.

 

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