merci app iageJ'ai été contactée il y a quelques semaines par l'équipe de MerciApp, qui me proposait de tester l'application et d'en faire un retour sur ce blog, en toute sincérité.

J'ai donc installé le logiciel sur mon ordinateur et je vais essayer de rendre compte de manière détaillée de l'expérience.

Une application transversale

L'application fonctionne partout. Pour écrire un mail, un commentaire sur un réseau social, un article de blog, un texte sur Word, ce que vous voulez. C'est donc très pratique, car la prise en main est la même dans tous les contextes. Sur le texte que je suis en train de taper, je m'amuse à faire des fautes de frappe et à voir comment le logiciel réagit. Parfois, il se manifeste instantanément. Parfois, il met un peu plus de temps. Contrairement au soulignement en vagues rouges de Word, les soulignements de MerciApp ne s'affichent pas toujours immédiatement. Il lui faut certainement un peu de temps pour analyser ce qu'on écrit. Mais cela peut être un peu déstabilisant, car on a l'habitude d'être corrigé ou au moins alerté quasiment en direct. Et quand il s'agit d'un message, il risque d'être parti avant la précieuse correction !

Les soulignements de MerciApp sont de différentes natures, en plusieurs couleurs. D'abord, la faute de frappe banale : vous avez tapé un mot qui n'existe pas. Le soulignement est en bleu et en cliquant dessus on obtient des suggestions de mots proches.

Comme vous le voyez, les suggestions ne tiennent pas compte de la nature du mot ni de sa place dans la phrase.

Deuxième catégorie d'erreurs, et donc de couleur : les erreurs d'orthographe grammaticale. En rouge, MerciApp souligne les phrases avec une faute d'accord. J'écris par exemple "un livres". Tout de suite, on me signale un accord incorrect du groupe nominal.

un livres

 

 

Si je veux plus d'informations, je clique sur "règle" et on m'explique ce qui ne va pas.

 

règle

 

Une troisième couleur, le violet, est utilisée pour suggérer des améliorations. J'écris "Je fais des fautes" et le logiciel me suggère de plutôt écrire "Je commets des fautes". Il explique que le verbe faire étant très courant, il peut être utile de le remplacer par un verbe plus précis. Je peux activer ou désactiver cette fonctionnalité.

je fais je commets

Autre couleur, le jaune orangé, pour les phrases qui sont peut-être à reformuler. Par exemple, la phrase que j'ai écrite quelques lignes plus haut. Voici sa proposition :

reformulation

Dans sa reformulation, il a remplacé "ça" par ceci et a supprimé mon participe présent pour le remplacer par un verbe au présent. Je suis d'accord que "ça" est familier, mais il aurait dû être remplacé par "cela", qui parle de ce qui précède, et non par "ceci", qui parle de ce qui va suivre. Pour le participe présent, pourquoi pas, mais cette suggestion ne me semble pas avoir de vraie valeur ajoutée.

Essayons avec une phrase vraiment incorrecte. "Je vais au coiffeur". Cette fois, j'apprends que cette faute est un solécisme (j'avais oublié ce joli nom, qui me fait penser aux grammairiens de Molière) et la règle m'est bien expliquée.

au coiffeur

J'ai ensuite testé une série de pléonasmes - je monte en haut, au jour d'aujourd'hui - et ils ont été bien détectés. MerciApp m'a souligné en orange un "comme même" pour "quand même", en rouge "si j'aurais su, j'aurais pas venu" et m'a gentiment rappelé que l'usage de "malgré que" est critiqué.

malgré

 

Des limites importantes

J'ai trouvé l'utilisation de MerciApp intéressante, mais notre langue est très complexe et le logiciel a manifestement du mal à l'analyser vraiment.

Il ne sait pas bien gérer les sujets inversés. Dans la phrase qui suit, il m'a dit que j'avais mal conjugué le verbe (a-t-il pris "très grande difficulté" pour le sujet ? Ou bien a-t-il considéré que "nombre" étant singulier, il fallait mettre le verbe au singulier ?)

inversion sujet verbe

 

Non ! Il n'a pas du tout compris la construction de la phrase et a fait une suggestion aberrante.

suggestion farfelue

Le problème est le même en l'absence de sujet apparent. MerciApp aurait sans doute aimé que je répète le pronom "je", mais ça n'était pas nécessaire.

pas de sujet apparent

 

Parfois, il prend un nom pour un adjectif, ce qui lui fait aussi voir des erreurs là où il n'y en a pas.

accord suspect adjectif qui nen était pas un

Dans le cas ci-dessus, si j'avais utilisé sa correction, j'aurais créé un bel oxymore, en parlant de "zones surpeuplées et désertes" ! Grammaticalement, ce serait correct, bien sûr. Mais la phrase dirait le contraire de ce qu'elle veut dire.

 

MerciApp a l'air de considérer que l'emploi de l'orthographe rectifiée (celle de 1990, qui enlève certains accents circonflexes mais pas tous, et qui simplifie beaucoup la règle d'accord des noms composés, ce dont je lui suis très reconnaissante) est "incohérent", je ne sais pas pourquoi.

pourquoi orthographe rectifiée icohérente

Voici l'explication quand on clique sur "découvrir la règle" :

règle nouvelle orthographe

Je n'ai pas trouvé le moyen de le paramétrer une fois pour toutes pour lui dire que puisque le Conseil supérieur de la langue française accepte cette orthographe, et même la recommande, ce serait bien de me laisser l'utiliser. Cela fait presque dix ans que mon éditeur enlève systématiquement les accents circonflexes sur "connaît" et ses dérivés, pour se conformer à cette nouvelle graphie, alors si maintenant un logiciel me demande le contraire, je ne vais pas m'en sortir ! L'idée, c'était qu'on faisait ce qu'on voulait ! Cette réforme a décidément créé de la confusion et de la complexité.

 

Un outil utile mais très imparfait

J'ai utilisé MerciApp pendant plusieurs semaines, et à de nombreuses reprises il m'a aidée. Une faute de frappe, une phrase modifiée où j'oublie de changer la chaîne des accords, une tournure perfectible... j'ai utilisé ses suggestions à plusieurs reprises.

pas du tout

 

Par contre, le jour où j'ai vraiment fait une faute d'orthographe indéniable, il ne l'a pas vue. C'est un collègue qui me l'a signalée après publication, ce qui m'a obligée à faire toutes sortes de manipulations compliquées sur les réseaux sociaux, l'erreur n'y étant guère prévue.

tout une affaire

Le mot "tout" est ici adjectif et doit s'accorder avec "affaire". C'est donc "toute une affaire". J'avais commencé par écrire "c'est tout un programme" et puis j'ai changé, et j'ai oublié de changer l'accord. J'aurais apprécié que le logiciel me signale cette faute d'accord.

J'ai remarqué d'autres phrases erronées qui n'ont pas été corrigées :

Seuls quatre cours l'objet du rapport de stage.  (manque le verbe)

J'ai compris analysé cette situation. (deux participes de suite, manque une conjonction de coordination)

La forme des lettres change fonction de la lettre qui précède.  (manque le "en")

On ne peut donc pas se fier à l'application. Ce n'est pas parce que MerciApp a dit que c'était bon, que l'on peut se dispenser de relire ou de faire relire !

J'ai demandé à une professionnelle de l'écrit, qui travaille avec le logiciel Antidote, de lui soumettre ces quatre mêmes phrases. Antidote a réagi pour les quatre. Dans la première phrase, il a voulu utiliser "cours" comme un verbe, ce qui n'était pas le cas ici (il fallait ajouter "sont" après "cours"). Il a bien identifié les ruptures syntaxiques dans les deux suivantes, et a correctement corrigé la quatrième. Le logiciel est donc plus performant, même si plus complexe, car il propose de nombreuses fonctionnalités.

 

antidote

 

 

Une fonction de reformulation

Depuis que j'ai installé MerciApp, je l'utilise pour une fonction très précise : ajouter les accents sur les majuscules. En effet, plutôt que taper des codes barbares, comme Alt-0192 pour faire un À, je tape ma phrase, puis avec un raccourci clavier très simple MerciApp me propose de remplacer A par À, E par É, etc. C'est un gain de temps non négligeable. Cela marche aussi pour le œ à l'intérieur d'un mot.

MerciApp propose aussi des reformulations et corrige des erreurs fréquentes, que je vois tout le temps.

"Je souhaite pallier à ce problème." donne lieu à la proposition "Je souhaite remédier à ce problème", et à l'explication qui va bien (pallier, verbe transitif).

"Je me suis permise de vous contacter." est ici corrigé car le participe passé est invariable.

"Je viendrais la semaine prochaine." est corrigé en "viendrai", au futur.

"Les spécialistes sont capables d'identifier les maladies auxquelles les défunts avaient souffert durant leur vie."n'est pas corrigé, alors qu'il faudrait écrire "desquelles". Mais si je demande une reformulation, avec amélioration du style, la phrase devient meilleure et correcte : "Les experts peuvent identifier les maladies dont les défunts ont souffert de leur vivant."

"Le travail autour de la posture, de la position de la feuille et du déplacement du bras devrait pouvoir améliorer l’écriture d’Arthur dans un premier temps avant de perfectionner le ductus des lettres et les enchaînements de gestes d’écriture, l’écriture courante et la copie."

Cette phrase trop longue et un peu alambiquée devient :

"Pour commencer, il serait bénéfique d'améliorer l'écriture d'Arthur en se concentrant sur sa posture, la position de la feuille et les mouvements du bras. Ensuite, nous pourrons nous attarder sur la fluidité des lettres et la coordination des gestes d'écriture, ainsi que sur l'écriture cursive et la copie."

La structure de la phrase est meilleure, mais le fond est altéré : "ductus" n'est pas synonyme de "fluidité", ni "enchaînement" de "coordination", "courante" de "cursive"... Il faudrait partir de la suggestion de MerciApp et en écrire une troisième version, plus juste :

"Pour commencer, il serait possible d'améliorer l'écriture d'Arthur en se concentrant sur sa posture, la position de sa feuille et les mouvements de son bras. Ensuite, nous pourrons nous attarder sur le ductus des lettres et l'enchaînement des gestes d'écriture, puis sur l'écriture courante et la copie."

Je teste maintenant une phrase écrite par un informaticien dysorthographique :

"c'est trois lien mort ne sont pas un soucis, le plugin utiliser (du a une incompatibilté  sur votre serveur) est assez limité il genere bien les liens mais il ne permet pas des les retiré. Au pir si cela vous embete il faut faire une redirection avec 4se."

Voici la correction orthographique avec MerciApp :

C’est trois liens morts ne sont pas un souci, le plug-in utiliser (dû à une incompatibilité  sur votre serveur) est assez limité il génère bien les liens mais il ne permet pas de les retirer. Au pire si cela vous dérange il faut faire une redirection avec 4se.

Il reste des erreurs, mais c'est bien plus lisible. Voici maintenant la reformulation (le logiciel a bien détecté la rupture grammaticale et souligné "C'est" en orange - par contre il n'a rien dit sur l'infinitif au lieu du participe passé pour "utilisé").

"Trois liens sont inactifs, mais ce n'est pas un problème. Le plug-in que vous utilisez est assez limité en raison d'une incompatibilité sur votre serveur : il génère bien les liens, mais ne permet pas de les supprimer. Si cela vous dérange, il est préférable de faire une redirection avec 4se."

Je trouve cette dernière formulation vraiment impressionnante !

Dernier essai : reformuler directement à partir de la première phrase. Voici le résultat :

"Trois liens morts ne posent pas de problème. Le plugin utilisé sur votre serveur est assez limité en raison d'une incompatibilité. Il génère bien les liens, mais ne permet pas de les supprimer. Dans le pire des cas, si cela vous embête, il faut faire une redirection avec 4se."

Deux mots restent soulignés, plugin (suggestion : plug-in) et embête (mot familier, suggestion : dérange). L'ensemble de la phrase est tout à fait correct mais le sens est légèrement différent. Dans un cas, on dit que trois liens sont inactifs, mais que ça n'est pas un problème. Dans l'autre, on dit juste que trois liens morts ne posent pas de problème. Le mot "ces", orthographié par erreur "c'est", n'a jamais été identifié, ce qui crée un glissement de sens : ce ne sont pas n'importe quels trois liens inactifs qui ne sont pas un problème, mais précisément ceux dont on parle dans cette conversation.

Un usage pédagogique en auto-formation

En conclusion, nous avons donc entre les mains un outil puissant mais imparfait. J'en recommanderais volontiers l'usage à des personnes qui n'ont pas confiance dans leur orthographe ou qui souffrent de dysorthographie, mais en leur conseillant de ne pas hésiter à vérifier si elles ont le moindre doute sur la reformulation.

Je pense que la correction systématique de certaines erreurs récurrentes, avec l'explication, doit finir par avoir des effets bénéfiques si on prend la peine de lire lesdites explications. Un usage pédagogique de MerciApp en auto-formation peut être une bonne idée, si la personne concernée est dans la démarche d'améliorer son orthographe.

Mais il est totalement illusoire de prétendre se passer d'une relecture humaine, le nombre de failles étant bien trop important !

 

 

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